Le temps, qui a pris pour nouvelle habitude de nous paraître
plus long qu’auparavant, n’a pourtant pas exagéré les choses concernant
Georgio. Car c’est bien deux années durant qu’il nous aura fallu pallier
son absence discographique en revisitant ses trois albums passés, Bleu
Noir, Héra, et puis l’audacieux XX5, uppercut rap orchestré par des
pointures – Woodkid en tête – venues d’univers a priori plutôt
différents du sien, dernière preuve en date que le jeune MC du 18è
arrondissement de Paris ne réapparaîtrait jamais vraiment là où on
l’attendait.
Et pourtant, entre-temps, l’artiste, reconnu
depuis la sortie de sa première mixtape (il y a dix ans déjà !) comme
l’un des plus talentueux conteurs d’émotions de sa génération, n’avait
pas l’inspiration en berne. Juste que, malgré ou à cause de l’époque,
lui était apparue la nécessité de profiter de la vie et d’écrire à son
rythme ; y prenant au passage, pour la première fois de sa carrière
peut-être, tout le plaisir qu’il en attendait. L’occasion aussi, voire
surtout, de s’offrir la chance d’être en paix avec lui-même et de
s’aligner avec ses envies les plus profondes. Sacré s’est ainsi étoffé
peu à peu, commençant de voir le jour pendant la tournée de l’album XX5,
puis traversant l’étrange isolement d’une crise sanitaire interminable
pour finalement devenir un album foncièrement réfléchi, que Georgio aura
ciselé, non seulement dans ses mots, mais aussi à chaque étape de sa
création. Fort d’une production impeccable (on note le retour aux côtés
du rappeur, de son alter-ego musical Angelo Foley, mais aussi la
présence du beatmaker Phazz), et de feat choisis comme des évidences
(Kalash Criminel, Zikxo, S.pri Noir ou Sanka, backeur de scène de
Georgio), ce quatrième opus touche ainsi à l’équilibre parfait. Nourri
de plages d’introspection et de rituels d’écriture, comme de voyages et
de rencontres qui forment pour Georgio la matière même du sacré, il sait
s’affranchir plus que jamais des standards habituels du rap pour créer
une matière unique.