75003 Paris
Les rouquins, de Jean-Claude Grumberg
En ville, on rafle les derniers Rouquins. Un couple, devant sa télé, commente et réagit, entre indifférence et peur identitaire. Une mini-pièce percutante de JC Grumberg, toujours suivie d’un débat.
Une fin de journée. Elle est chez elle, devant la télé. Lui rentre du bureau, fatigué, tendu. Dès les premiers échanges, on a compris : dans le pays, dernière phase de la « solution finale » qui leur est réservée, la chasse aux rouquins est ouverte. Nettoyage « ethnique » dont on apprendra incidemment qu’il a été précédé de celui des albinos. Ce ne sera sûrement pas le dernier : il y a tellement d’ « autres différents »… En vingt minutes d’une « tranche de vie » terrible dans sa quotidienneté, Jean-Claude Grumberg donne à voir l’essentiel de notre rapport à l’Autre, le « pas comme moi » (Primo Levi), ainsi que les mécanismes sournois de l’élaboration des préjugés et de l’exclusion, voire de l’élimination progressive d’un groupe d’individus : des répliques « sans importance », lâchées là, négligemment, entre la poire et le fromage, télé allumée, qui disent la peur, les petits ressentiments et l’indifférence banale et monstrueuse qui font le lit de toutes les dérives racistes. Dans cette évocation de la « zone grise », on n’est pas loin de certaines scènes de Grand Peur et Misère du 3e Reich, de Brecht. Mais à la mode Grumberg : avec la force comique féroce et l’apparente légèreté qui caractérise son écriture. Avec une efficacité redoublée par l’idée –géniale parce qu’ouvrant sur l’universel- du déplacement métaphorique de la cible, aux avatars hélas très nombreux. On pense à Franck Pavlof, et à son Matin brun.
(*) : Les manifestations pouvant être supprimées, annulées, ajournées, prenez contact avec les organisateurs avant de vous déplacer.